• Abandonné par la carte, je ne me risquerais pas à pédaler plus loin. En vue de la taille des routes qui se présentent il est plus prudent de monter dans le camion et d’en terminer avec les derniers kilomètres en sécurité.

     

                      

     

    Sage décision, nous circulons sans tarder sur des infrastructures à l’échelle d’une ville dotée d’une population avoisinant les 12 millions d’habitant…chiffre officiel. La circulation se densifie, aucun vélo n’a sa place sur de telles étendues de bitume. Les charrettes ont disparues, la modernité a fait place nette, seuls quelques vendeurs de fleurs inconscients jouent avec la mort au milieu du trafic.

    Les villes satellites qui forment la municipalité d’Istanbul connaissent une véritable explosion démographique. Nous sommes scotchés à nos sièges, ébahis devant l’ampleur des opérations immobilières. Des milliers de personnes viennent gonfler les rangs des stambouliotes chaque jour, et malgré les moyens colossaux mis en œuvre l’offre de logements reste problématique.

     

    Le 508 vibre de plaisir, se délectant des tentacules grises que la ville a jeté sur sa banlieue. Pour rallier le centre, nous nous satellisons sur une orbite bien encombrée afin d’atteindre la bifurcation escomptée. Le camion doit faire preuve d’autorité et ne se laisse guère impressionner par les vrombissements intimidateurs des tacos fusée qui nous dépassent.

    Suivant le rythme effréné sur lequel le trafic est calé, nous progressons vers le cœur. Les battements deviennent audibles, nous sommes happés dans les entrailles de la cité.

     

                      

     

    Pas une seconde de répit. Le nombre d’informations à gérer explose. En mouvement, le défilé permanent d’élément insolite alerte nos sens. Comme si l’on se trouvait sur un tapis roulant évoluant à une vitesse folle et qu’il fallait  se saisir d’objets cruciaux a notre survie, nous devons faire des choix rapides.

    Distraits par l’animation de la ville et son esthétique,  nous essayons de rester concentré et de nous mettre en direction de la place Taxim ; le point central d’Istanbul.

     

                      

     

    Une fois le quartier d’Aksaray atteint, le rempart qui contenait autrefois la ville de Constantinople franchi, les noms deviennent évocateurs. Balat, Fener, Fatih, nous sommes dans le vieux Stanbul. Dans la foulée, nous retenons notre souffle lors de la traversée de la corne d’or par le pont Ataturk…

     

                       

     

    Haya Sofia et la mosquée de Suleyman nous saluent mais déjà nous montons sur la colline de Béyoglu et atteignons Taxim. Point d’orgue de notre petit périple, la place est bondée, nous avons du mal à réaliser que nous y sommes pour de bon. Ca y est, Toulouse-Istanbul…Done !!!

     

                      

     

    Pour y séjourner tranquillement nous trouvons refuge dans le quartier d’Ortakoy, la Bosphore nous accueille.

     

                      

    A Toulouse, nous avons symbolisé mon départ au Capitole, j’irai à vélo jusqu'à la mosquée bleu pour symboliser mon arrivée.

     

                      

     

    En regard du parcours accompli, cette petite échappée citadine reste anecdotique mais m’apporte cependant un plaisir immense. J’ai la chance de pouvoir traverser des quartiers vivants au rythme de la ville depuis des siècles, et de pouvoir les contempler depuis mon vélo.

     

                      

     

    La perception de son environnement est variable selon un bon nombre de facteur. Et pour avoir arpenté Istanbul par le passé, y avoir usé mes souliers sur ses trottoirs, je peux affirmer l’avoir encore découverte sous un angle nouveau, grâce à ma bicyclette.

     

                      

     

    Difficile de retranscrire la timidité que j’ai eu à enfourcher mon vélo, vêtu d’un maillot et d’un cuissard, afin de faire face à un tel monument d’histoire.

     

                      

     

    Difficile de décrire l’appréhension que j’ai ressenti avant d’être jeté sur les boulevards grouillant de taxis survoltés. Faisant ainsi surgir foules d’anachronisme en actionnant simplement mes manivelles, je me lance.

     

                     

     

    Je ne peux m’empêcher de penser à Pierre Loti, Nedim Gursel ou Orhan Pamuk qui ont participé à mon amour pour cette ville.

     

                     

     

     

                     

     

    Je n’oublierais jamais ces dix kilomètres par lesquels j’ai pu déambuler à travers les quartiers de Besiktas, Findikli et Tophane, me voir sur les photos qu’Ara Guler prenait du pont Galata, d’Eminonu ou encore de Sultahamet il y a plus de cinquante ans. La mosquée bleue, des Japonais, un cycliste, Istanbul au 21 siècle.

     

                              

     

     

     


    1 commentaire
  •  

     

                                   

     

    Arborant fièrement les couleurs de la patrie, le poste de douane nous ouvre les portes de l’0rient.

    « Hos Geldiniz »

     

                        

     

    L’excitation est à son comble, après plus d’une semaine et demie de labeur, un panneau nous positionne à 220 Km d’Istanbul. Libérés des formalités, nous nous dirigeons vers Ipsala. Les cinq kilomètres qui séparent la ville de la frontière me permettent de prendre la température à laquelle je serai mangé le lendemain. Comme un jeune chiot, je suis surexcité. Resplendissant d’une joie démesurée à chaque coup de klaxon, je fais la course avec des automobilistes stupéfait par mon comportement.

     

                        

     

    Ipsala, premier contact avec la Turquie, et premier constat, un joyeux chantier. Charrettes et tracteurs occupent la route, petites échoppes en tous genres s’entrechoquent, la ville fourmille d’activités, et notre arrivée ne passe pas inaperçue.

    Nous mettons au placard nos tenues de guerrier de la route pour aller goûter au plaisir du thé noir sur la place principale.

     

                                  

     

    Mathieu réalise son premier portrait et s’étonne de l’incroyable disponibilité des gens. Toutes personnes connaissant deux mots d’anglais sont mises à contribution pour que la communication s’établisse. D’éclats de rires en accolades, la chaleur de ces premières rencontres nous enivre. On se fera tout de même rouler comme des bleus dans une lokanta (resto) tenue par un propriétaire profitant allègrement de la présence inhabituelle de deux étrangers dans sa ville. Fair enough…c’est de bonne guerre, mais pour les prochaines négociations sur les prix nous seront prêts.

    Se délectant d’une bonne vielle Efes (bière turque) nous nous prélassons paisiblement, amusés par le Billy the kid local. Armé d’une carabine, il tire à vu tout volatile osant s’approcher trop près d’un des arbres implanté sur la place principale ; normal !!

     

         

     

    Pour l’avant dernier jour, la brume s’est une nouvelle fois installée. Je prépare mon vélo à affronter le cahot des routes Turques alors que la ville se réveille. Les dolmus (taxis communs) déposent les élèves de l’école voisine, d’autre viennent à pied, sirènes d’ambulances et klaxons retentissent. La ville se met en branle quand peu de temps avant seuls les chiens répondaient au premier appel du muezzin.

     

                                  

     

    Présentant les couleurs de St Alban aux habitants d’Ispala, je prends la direction d’Istanbul.

     

     

                        

     

        

     

    Ne possédant pas de carte précise de la région, c’est sur la quatre voie que je chemine vers l’objectif. Brouillard épais, graviers, terre, trous, absence brutale de revêtement…ajoutez à cela les lignes brutes d’une route qui transperce le paysage et le compte est bon.

     

                        

     

    Une fois le brouillard dissipé, j’aperçois l’ampleur des tronçons sur lesquels je roule. La perspective s’étend parfois sur plus de dix kilomètres. Une ligne droite déposée sur le paysage.

     

                                  

     

    Peu importe la géographie, la route s’en moque et coupe au plus court, tout droit. Ca monte, aucune importance, une bonne pente à plus de 10% et au suivant.

     

                        

     

    Comme en Italie, cette linéarité exubérante du tracé aurait pu être monotone. C’était sans compter sur l’attitude décontractée avec laquelle les Turques relativisent.

    Une route c’est pour se déplacer, alors on s’en sert. La voie de gauche pour les grandes distances, bus et camions y sont les rois. A droite la desserte locale, pour des engins pétaradant à vitesse moyenne. La bande d’arrêt d’urgence, enfin la troisième voie, est empruntée par les charrettes, les tracteurs, les troupeaux, les chiens, les deux roues et les piétons…

     

                         

     

    Notons que l’absence de barrière de sécurité, au milieu comme sur les côtés n’est pas un oubli, il faut bien traverser tout de même.

    Ce fonctionnement atypique ne doit pas être sans risque, mais il a au moins le mérite d’avoir son charme et permet d’animer une surface goudronnée qui où qu’elle se trouve reste extrêmement laide.

     

                         

     

    Je retrouve Mathieu à Malkara pour déjeuner. Une ville à la Turka, avec ces inimitables copier coller de tours et de barres. Je croise des étudiants sortant de leur fac bordant la quatre voie. Traverser pour aller déjeuner ne semble pas les perturber, situation normale.

     

                         

     

    L’enchevêtrement de ces constructions à tout de même son charme. Un je ne sais quoi de chaotique, qui mêlé aux minarets et  aux drapeaux omniprésents révèlent une certaine harmonie d’ensemble.

     

                          

     

    L’après-midi, nous rallions Tekirdag avant une halte en bord de mer. La circulation en son sein est un avant goût de celle d’Istanbul. Depuis mon vélo, j’observe l’animation des rues qui sont un danger permanent pour le cycliste, c’est excitant. Sans faire d’excès, il faut s’insérer dans une circulation trépidante, ou klaxonner est la règle de base. Cela devient du pilotage, anticiper, devancer, prévoir, esquiver, slalomer… Il suffit alors de tourner la tête un instant afin de s’émouvoir du paysage urbain dans lequel on est en train d’évoluer. C’est fantastique, jouissif, la vulnérabilité catalyse le plaisir.

     

                         

     

    Dernier jour de route. Le soleil et le vent favorable me poussent à croire que les 120 Km restant ne vont être qu’une simple formalité. Il en va ainsi jusqu'à 60 Km du but ou nous optons pour la solution chemin de traverse. Alors que Mathieu progresse sans carte et que je ne peux me fier à la mienne, notre jonction dans le village de seymen tient du miracle. Afin de profiter pleinement de cette satisfaction je rejoins Mathieu à la terrasse d’une maison de thé. Son arrivée a fait sensation, la mienne provoque des éclats de rires.  Ils sont fous ces Français.

     

                          

     

    Notre présence anime ce lieu exclusivement masculin. Autour du traditionnel thé de bienvenue mon partenaire se débat afin de se faire comprendre et arriver faire un portrait. Nous découvrons la clef qui débloque la barrière culturelle et de langage, le football. De véritables fanatiques ces turques. Nous repartons sous les yeux effarés d’un public qui ne voit vraiment pas l’intérêt de notre démarche.

     

                           

     

     

                           

     

    Nouvelle pose à Fener, après une erreur de parcours nous obligeant à faire de mon vélo un VTT et du camion un 4x4. Mathieu pourrait y vendre son camion à de nombreux amateurs venus l’admirer en nombre. Une tentative d’échange avec un de leur minibus est amorcée mais aucune transaction n’aura finalement lieu. Ils marchandent pour le plaisir et sont satisfait de nous avoir vu jouer le jeu, nous repartons tout sourire après avoir animé leur quotidien.

     

                           

     

    Istanbul est à portée de roue mais impossible de s’en approcher. La carte est réellement fausse, et les rallonges imposées par les égarements successifs commencent à me miner le moral.

     

                           

     

    Alors que tout allait pour le mieux, le final m’échappe. Les nombreuses pauses m’ont coupé les jambes. Etrangement, ma motivation décroît et elle frôle le zéro quand la pluie me tombe dessus. Dans la boue, et à travers un relief ingrat pour un cycliste à bout de nerfs je tente d’avancer tant bien que mal.

     

                           

     

                           

    Les erreurs de parcours qui s’accumulent me donnent envie de brûler cette carte qui m’exaspère. Après une errance de plusieurs heures,  et alors qu’Istanbul devrait déjà être rejoint, nous atteignons enfin la banlieue.

     

                           

     

     

     


    votre commentaire
  •  

                     


    La cinquième heure du neuvième jour retentit à travers la sirène du bateau. Avec deux heures de décalage horaire, nous nous retrouvons à Igoumenitsa après avoir été recraché par notre hôte d'acier. La Grèce s'offre à nous.

     

                     

     

    Le petit déjeuner est accompagné par notre premier lot d'incompréhension et nous offre les quelques mots que notre mémoire aura du mal à retenir. Les montagnes nous entourent, nous sommes cernés. J'appréhende les premiers tours de roue à travers un pays qui ne nous est pas encore familier.

     

        

     

    L'heure matinale en ce dimanche matin me laisse croire qu'il est normal que la route soit déserte lorsque je me lance en direction de Ionnina. A travers des paysages magnifique, la route nous offre déjà sont lot de rencontre.

     

                             

     

    Des religieux et leurs adeptes rodent aux abords des églises orthodoxes. Vêtus d'habits traditionnels, ils paradent des feuilles de laurier à la main.De nombreux bergers et leurs troupeaux jalonnent la route qui serpente et se faufile dans les massifs de la région.

     

          

     

    Les vaches ne semblent pas habituées aux couleurs bariolées des énergumènes qui tôt le dimanche s'attaquent aux pentes de leurs pâtures.

     

                     

     

    Quel contraste avec l'Italie, quelle joie de se retrouver seul sur la route.

     

                                

     

    Tranquillement j'effectue les 97kms qui me séparent du lac auprès duquel je retrouve Mathieu. Je le retrouve en lutte. Au corps à corps avec sa planche à voile il se débat énergiquement et manque de perdre un combat qui pourrait l'entraîner vers le fond. Fraternisant enfin avec sa belle, ils regagnent les bords du lac cahin-caha. C'est alors que je découvre la grandeur d'âme de mon compagnon de route. Voulant participer physiquement aux souffrances que le voyage m'inflige, son esprit de solidarité s'est manifesté en se vrillant le genou pendant la bataille. Nous voilà comme deux estropiés.

     

                                

     

    De nombreuses petites chapelles boites aux lettres se dressent le long des routes. Auprès d'une de celles ci nous passeront la nuit, amenant Mathieu à faire la connaissance d'un jeune membre du monastère voisin. Jannis professe sa fois et tente de rallier Mathieu à sa cause, voyant un grand potentiel orthodoxes au fond de nos âmes ils nous offre des livres de prière, une icône pour Mathieu et tout un lot de fruits sec et graines en tous genres, une merveille.

     

                                

     

    Le lendemain, sous un ciel vierge de tout nuage je m'élance sur les pentes de la montagne surplombant le lac. Un chien éventré me remet face aux réalités de la route, le danger reste omniprésent, même sur des axes peu fréquentés. Les ascensions de la journée sont magnifiques, les descentes vertigineuses, mais je dois refréner mon enthousiasme et ne pas me laisser griser par les sensations. De nombreuses chutes de pierres et affaissement de terrain me font frémir, je slalome parfois sur des morceaux de route pour éviter gravas et autres trous dans la chaussée. En cheminant sur les nombreux versants j'apprécie les nombreuses vue des sommets enneigés et quand l'un deux est atteint je m’étonne ; une station de ski me laisse sans voix. L'influence des idées reçues et le matraquage publicitaire ont fait leur chemin. Oui, Oui, il y a aussi des saisons en Grèce, ce n'est pas seulement le soleil, la mer et la fêta.

     

                       

     

    Les paysages changent au gré des altitudes que je franchis. De l'aridité tachetée de neige des sommets, je plonge au sein de forêts épaisses, abritant rivières et bêtes sauvages. La ressemblance avec les forêts nord américaine du Vermont est frappante, même les panneaux annonçant les ours y sont présents. Mais loin d'être des ours, la bête qui noircira mes journées n'est autre que le chien.

    Ma première frayeur s'effectue à l'approche de Greneva quand trois énormes molosses s'affranchissent de la glissière de sécurité. Surpris, je fais un écart alors qu'une camionnette me double. De la vision insensée de leur gabarit, leurs crocs frôlant mes mollets, un seul choix s'offre à moi, le sprint. De justesse j'échappe à la première charge, les suivantes seront anticipées. Me voilà averti, en plus des chiens de bergers, une multitude de chiens errants pullulent à l'intérieur du pays. De cette mésaventure je repars effrayé, tressaillant à chaque nouveau jappement. L'horreur se poursuivra quand le soir nous tomberons sur trois chiens morts, ligotés, bâillonnés, jetés en rang au bord du chemin ou nous passons la nuit.

     

                        

     

    Le lendemain je pars armé d'une barre de fer que je fais raisonner sur le sol à la moindre attaque, même les plus téméraires semble intimidés.

    Ce troisième jour marque la fin des montagnes lorsque franchissant l'ultime col la vue me donne à contempler l'ensemble des massifs d'un côté et la plaine qui s'étend de l'autre.

     

                        

     

    De là s'en suit une succession de traversée de ville far ouest, ou ville saloon. Une grosse route, une ligne bâtie de chaque côté et tout un vocabulaire ouest américain les accompagnant. Bar, pubs, poussière, absence de trottoirs, amas de ferraille, gravas, maisons éventrées, vielles voitures, tags, nous approchons de Thessalonique.

     

                

                                    

     

                        

     

     

    Après une nuit dans le port de Stravos,

     

                        

     

                        

     

    nous empruntons une route qui longe la côte jusqu'à Kavala. Et qu'elle route. Une véritable nationale que l'autoroute adjacente à laissé pour compte. Seul, avec les chiens, je peux ainsi profiter d'une voie tracée entre mer et montagne. Je m'amuse ainsi des quelques déclivités qui m'entraînent de crique en crique.

    Après kavala, le décors se terni, la plage laisse la place aux installations portuaires et autres industries qui me dessinent un après midi maussade. Le vent de face quasi journalier s'intensifie et dans la douleur, je dois serrer les dents pour continuer. Mon genou droit est loin d'en être la cause, seul mon mental se joue de mes performances. Une route qui longe la mer dans des paysages idylliques ; le mélange détonne. Mais quand le vent monte, et que des usines grisent mon horizon, c'est mon corps qui m'abandonne.

    Fatigué, au bord de l'étourdissement, je dois me ressaisir plusieurs fois. Alors que je crains la défaillance, deux cyclos en avance d'un virage se profilent. Deux beaux vélos montés de grosses sacoches, c'est un couple de Français sur la route des Indes qui m'offre une ressource d'énergie inattendue. Le seul fait d'échanger sur nos aventures respectives et les points communs du moment me redonne de la force.

     

                    

                            Aurélien et Héloïse (www.artizenvelo.org)

    Difficilement contrôlable, notre mental est une source quasi intarissable ou l'on peut venir puiser allègrement l'énergie nécessaire à l'accomplissement de travaux physiques ou intellectuels. Je poursuis ma route, transcendé par cette rencontre.

    Le soir nous nous retrouvons tous les quatre pour un joyeux repas, animé par les anecdotes et les récits de voyage, nos yeux brillants sous l'effet d'un ouzo enchanteur.

     

                         

     

    Cinquième et dernier jour en Grèce, le départ en ce premièr Avril se fait dans un fauteuil. Depuis la plage qui nous recevait à l'abri d'un sous bois, je sens pour la première fois du voyage la véritable excitation de la route.

     

                        

     

    Je trouve ma place sur ce ruban d'asphalte et je me sens chez moi. Alors que j'effectue sereinement les premiers kilomètres de la journée, slaloment entre les nuées de moustiques, se présente dans mon salon, un anglais qui sacoches au vélo lui aussi regagne ses terres depuis l'Australie.

    La route s'élève une dernière fois avant Alexandropoulis, longeant l'ancienne voie romaine, je suis propulsé vers la Turquie par un vent enfin favorable. Comme une fusée j'avale les derniers kilomètres qui m’amènent à la frontière, me payant même le luxe d'emprunter une portion d'autoroute!

    Sur 5km, essayant de respecter la vitesse limite, je jouis d'un enrobé flambant neuf, admirant en fond de scène un immense drapeau rouge, bardé du croissant islamique, j'arrive en Turquie.

     

                         

     


    1 commentaire
  • Midi, déjà 24h que les manivelles ne tournent plus, et malgré une journée radieuse elles resteront encore inactives jusqu'au lendemain. Le point de passage initialement prévu par le col de Larche est toujours impossible, un transfert vers celui de Mongenévre est alors envisagé.

    Direction Gap, la route nous sort le grand jeu en nous offrant son plus bel asphalte. Serpentant entre les sommets nous progressons rapidement et c'est le cœur gros que le col est franchi. Frustration ultime, en plus d'un parcours modifié, d'un défi tronqué, le soleil qui nous faisait défaut jusqu'àlors resplendit maintenant me faisant trépigner d'impatiente.

    Le cycliste enrage, col, soleil et route de rêve, vélo à portée de pied, je fulmine. La raison l'emporte, le chemin jusqu'en Turquie est encore long.

    La frontière atteinte, une longue descente nous emmène à Penerello rapidement. Les premiers échanges avec les Italiens sont chaleureux, la langue chantante est facile à comprendre, s'exprimer reste plus difficile. Pour la première fois du voyage nous devons parler avec les mains, les Italiens ne nous en voudront pas...

     

                                   

     

    Le cinquième jour est gris, et l'eau est de bon augure en ce jour de baptême pour le nouveau vélo, souhaitons la bienvenue à « planète x »

    Pour ma part, tout est à refaire; le rythme brisé et la brume persistante n'arrangent en rien la mine maussade avec laquelle je quitte le camion.

    Au programme 227 km d'une Italie que je découvre, et qu'elle n'est pas ma déception! D'entrée c'est 100km de plat, des paysages agricoles monotones des champs, des champs, des champs. Produit d'un épandage intensif, l'air ambiant est saturé d’odeurs nauséabondes. Les villes sont sales et me paraissent laides. Les Italiens n'honorent pas leurs ancêtres qui leurs ont légué des merveilles. Les entourant de quartiers hideux et sans intérêt, le contraste est saisissant. Les joyaux de Parme ou de Bologne sont bien à l'abri derrière la mine triste et froide que leur font arborer leurs nouveaux quartiers.

     

     

             

     


    Du côté de la route, j'ai du mal à m'adapter à la nouvelle hiérarchie. Le réseau secondaire et beaucoup moins dense qu'en France. Doté d'une carte incohérente, je passe un temps précieux à chaque tentative sur les axes moins fréquentés et me résoud à prendre les principaux!

    La route devient alors une succession de situation dangereuse, le trafic est dense, les poids lourds omniprésent. Des échangeurs, des tunnels, des rampes d'accès de calibre autoroutiers accueillent les cyclistes qui paradoxalement ne manquent pas.

     

          

                  


    227, 240, 205km, les journées se succèdent et m'entraine de désillusion en désillusion. A la rencontre des autochtones, Mathieu se régale de la splendeur offerte par la renaissance alors que je tente de préserver un moral en chute libre.

     

           


                     

     

                     

     

    La terre reste ma principale alliée, elle s'ouvre parfois pour m'offrir des vallons, des collines qui  égayent une monotonie cassante. Le vent de face, la pluie et les lignes droites sont mon quotidien, rien ne m'importe plus qu'une route qui s'incline m'offrant sont lot de virages. Une véritable distraction de l'esprit. L'arrivée de la première étape m'offre ce réconfort, le final se complexifie en une succession de petits vallons et me permet d'en finir avec les 50km d'une journée éprouvante. Les lignes de crête me redonnent le sourire, et malgré un début de tendinite dû à la mauvaise position, c'est avec le sourire que j'atteind Aguzatto. Le camion est sur la place, les enfants y crient joyeusement, je peux m'y détendre sereinement.

     

                    

     

    Le soir est rituellement composé d'une bonne douche froide à l'arrière du camion, d'échanges et d'anecdotes entre pilote de 508 et  cycliste. Le nid douillet de l'habitacle est source d'énergie. Quand les batteries sont rechargées, je dois de nouveau aller affronter la circulation, et les lignes horizontales de la campagne Italienne.

     

                                


    Le deuxième jour est gris, tout est gris.... Le genou droit commence à me faire sérieusement souffrir et je dois impérativement trouver un tube de selle plus long. Les magasins ne manquent pas et c'est avec une position beaucoup plus confortable que j'engloutis les 240km au programme. Malheureusement le mal est fait et l'état de mon genou m'inquiète.


                  


    Les 30cm de bitume entre le fossé et la bande blanche sont mon espace vital. La crevaison guette en ces lieux inhospitaliers. Étrangement, je m'adapte à ce lieu exigu, au bruit constant imposé par le trafic, et m'amuse même du souffle favorable que m’offre les poids lourds me dépassant. Je les guette d'un œil attentif et adapte mes pignons à chaque occasion, sans effort ma vitesse grimpe en flèche, et je trompe l'espace d'un instant le vent qui souffle contre moi.

     

                   


    Malgré tout, il n'y a pas un grand intérêt à rouler sur de telle route, mais, les kilomètres tombent, en attendant mieux.

    Après une deuxième étape à Merciati, la troisième nous emmènera à Ancone, avec là aussi, son lot d'horreur architecturale et la monotonie des paysages qui persiste.


                   


    La motivation est au plus bas, et mon genou me fait souffrir. Le vent souffle contre moi et plus grand chose ne me fait sourire .Quand apparaissent des pins annonçant l'arrivée imminente de la cote Adriatique, je souffle, enfin.

    L'atteignant à Cervia, le changement de décors me distrait un peu, mettant fin à la plaine, la côte s'offre à moi. Mais là encore, désillusion.

    Une forêt de pins bienvenue me coupe du vent qui cingle sur la plage. En sens interdit, j'échappe aux faubourgs de la ville pour en rejoindre une autre. De cela, va s'en suivre un étalage de béton sur plus de 30km d'une côte ravagée par des constructions rivalisant d'horreur et de mauvais goût. Rimini en sera l'apogée.

     

                                 


    Frugalement je prends mon repas de midi dans le froid, le dessert à même le sol. Une brume épaisse s'est installée sur cette énorme station balnéaire désertée. La vision de ces monuments de béton fantomatiques est apocalyptique.  Le front de mer est interminable.

    Un cyclo bulgare me rassure sur la route à venir, car le calibre annoncé sur la carte n'amène pas forcement le cycliste à s'y rendre sereinement.

     

                    


    Sortant finalement de la folie immobilière, j'emprunte les premières encablures de cette grande langue de goudron qui s'étire jusqu'au sud de l'Italie. Le soleil sort de l'ombre, le vent tombe, la circulation est normale, et la température monte. Les dieux sont avec moi, une belle pente se profile...

    Une fois franchie, le moral est de nouveau bon, comme un avion j'atteind Pessano, puis Ancone. Entre mer et falaise, il y a le chemin de fer, la route, des usines et moi. Le décor est encore une fois défiguré, et cela s'aggrave à l'approche d'Ancone. Les installations pétrochimiques se succèdent, et la circulation redevient dense.

                                

    Marre des routes de gros calibre, marre du trafic incessant, marre d'une Italie brutale et peu clémente. La plage où nous trouvons refuge auprès d'un couple fort sympathique n'y fera rien, le trajet a été modifié une première fois, changeons en encore et voguons loin d'ici. En retard par rapport au plan initial, c'est sans scrupule que nous prendrons le bateau à Ancone, destination la Grèce.

     

                   

     


    1 commentaire
  •                                


    Malgré le stress qui m'accompagnait la veille du départ, c'est joyeux et serein que j'endosse mon rôle de cycliste voyageur pour la première étape. L'air de rien j'entreprends les premiers tours de roue qui m'emmènent jusqu'au Capitole pour symboliser un départ m'entraînant sur la route d'Istanbul.

    Accompagné par Sylvain(ami cycliste), c'est tranquillement que nous progressons le long du canal du midi en dépit du vent d'autan qui ne semble pas vouloir me laisser quitter la région.

     

     

             



     Une fois lancé en solitaire, l'atmosphère s'assombrit, et le vent qui me gifle me replace face à un projet qui est encore à l'état de balbutiement. Le ciel est bas, les villages traversés m'apparaissent inhospitalier et ma pénible progression dans les contreforts de la montagne noire n'aide pas à rendre l'ambiance générale plus clémente. Tous me semble sombre, je suis quasiment à l'arrêt dans les premières difficultés et dois contrôler si mes freins ne s'amusent pas à frotter contre mes jantes. Tentant de me ressaisir constamment, je parviens malgré tout au point de rendez vous salvateur de la mi-journée. Dans l'atmosphère chaleureuse du camion, je refais le plein de bonne volonté auprés de Mathieu qui connait lui aussi quelques difficultés à progresser sur des routes qui ne sont pas adaptées au gabarit du camion.

     

             

     

     

    Comme par magie, mon environnement se transforme en une joyeuse succession de paysages accueillants. Les ruines des châteaux cathares jalonnent déjà le parcours et je ne peux que contempler l'évolution des éléments qui m'entourent. Pour preuve de notre progression, la nature se met en branle et change de forme, comme prévu les subtilités sont difficiles à cerner mais il n'en reste pas moins qu'après 200 km le paysage n'a plus rien à voir avec le midi Toulousain.

     

     

            

     


    Je retrouve mon acolyte à Pouzolles, entouré par des boulistes à l'accent pagnonlesque, se mêlant à la convivialité générale et goûtant au plaisir d'une petite communauté qui semble avoir gardé un véritable esprit de village. Après cette première étape, je réalise combien le chemin qui reste à parcourir est long, mais l'euphorie du voyage et ses imprévus renforcent ma motivation à en découdre.

     

     

                

     

     


    Un ciel menaçant, une route humide, un vent toujours défavorable ne m'engagent guère à repartir le cœur et l'âme légère. Pourtant, après un premier tronçon monotone un radical changement va venir égailler les prochains kilomètres. Je traverse St jean de Fosse et plonge subitement dans les gorges de l'Hérault. L'eau verte émeraude parsemée de petites cascades s'est creusée un lit accueillant dans un univers reposant. De surcroit la route est désertée par les voitures ce qui rajoute du charme à une petite session de pédalage remotivante. Plutôt pas mal pour le moral. Comme pour se dégager des gorges, la route quitte brusquement les berges de l'Hérault  s'élevant et se contorsionnant sur plusieurs kilomètres. La suite de la journée ne sera qu'une succession de petites difficultés à franchir, et mon corps s'identifiant au paysage connait des moments de forme comme des passages à vide. Des hauts, des bas.

     

     

                

     


    Après une étape à Vaison la Romaine, les Alpes se dressent devant nous. La pluie est au menu ce matin, et c'est en silence que je me prépare pour un départ humide. Dès les premiers mètres elle s'abat et me cingle le visage encore endormi. Après seulement dix kilomètres une première difficulté m'emmène au pied du Mont Ventoux. Un claquement dans le boitier de pédalier m'inquiète durant l'ascension mais c'est mon état de fatigue général qui accapare toute mon attention. La montagne me tient en respect, même sur les portions planes je peine à avancer. Le silence règne dans la vallée, deux cols sont imminents et les sommets enneigés ne sont pas rassurants. Petit mouvement de danseuse, CRACK, je baisse la tête et surprise de la matinée ce n'était pas le pédalier mais le cadre qui, effrayé par les Alpes, a préféré rendre l'âme avant même le premier col. Le tube vertical relié au boitier est sectionné.

     

     

                

     


    Hébété je roule pendant plusieurs kilomètres ne sachant que faire.....

     

     

                                      

     

     

    Allo, Allo, Camion balai, RDV à Sisteron, 60 Km, deux cols, un cadre cassé....

    La solution viendra plus tard, les lacets du premier col se dessinent déjà. Me balançant de gauche à droite, sous l'impulsion d'un mouvement cadencé je m'affranchis des dix km d'un sommet culminant à 1068 m. La neige m'attend au sommet, la concentration que cet effort nécessite supplante les problèmes liés à la machine. La descente se veut prudente ne sachant pas si le vélo tiendra la route.

     

     

                

     

     

    Ralliant la ville, je rejoins le camion désemparé, la fête est finie et le périple bien compromis.

     

                                         

     


    Je réfléchis aux options possibles, et avec les conseils d'un vélociste local, un coup de fil est passé à un chaudronnier qui semble pouvoir nous rendre service, la soudure est peut être possible. Dans l'atelier du magasin, me voilà parti à faire place nette sur le vélo, pour qu'il puisse passer sur la table d'opération.

     

     

             



    Le camion nous emmène dans un état de stress élevé, l'ambiance est tendue, rocket ( le vélo), est entre la vie est la mort, le voyage est peut être en train de tourner court pour un membre de l'équipe.

    Le diagnostic est sévère, il faut une brasure, la soudure ne tiendra pas, personne ne peut le faire dans les environs.

     

     

                

     


    De retour dans l'atelier pour récupérer mes pièces, la magie du voyage s'opère de façon inattendue. Il y a toujours quelqu'un sur le chemin pour nous guider et nous épauler dans notre quête. De façon fortuite, ces êtres mystérieux se disséminent le long du chemin pour apparaître aux moments les plus opportuns. Chance, destin ou hasard, chacun l'interprète comme il le voudra, mais quoi qu'il en soit, ces inconditionnels sauveteurs d'âme en peine existent bel et bien.

    C'est sous l'apparence d'un client cette fois, que la prophétie se réalise, et la clef pour continuer le voyage nous est ainsi offerte.

    Il a un kit-cadre qui dort dans le fond de l'atelier et s'en débarrasse, 20 euros et c'est dans la poche.

     

     

                 

     


    Dans la précipitation je vérifie que mes pièces sont compatibles, sa colle, génial....

    On finit l'étape du jour en camion en se dirigeant vers Barcelonette, déjà je sens l'amertume monter, le défi est tronqué, mais que faire, le timing est serré.

    Alors que nous arrivons près du lac de Serre-Ponçon, je me renseigne sur les conditions de route, deuxième tuile de la journée, avalanche en Italie, le col de l'arche est fermé, l'itinéraire de demain est déjà compromis.

    J'ai l'impression que le projet nous échappe alors que l'on en est à peine au troisième jour. La situation est critique.

    On trouve quand même refuge au bord du lac. L'endroit est idyllique, la vue imprenable, le temps abominable. Le moteur est coupé, une bouteille de vin est débouchée, inch'alla, demain est un autre jour.

     

          


    A l'aube, l'ambiance est calme, une lumière vive pénètre dans le camion, et ouvrant la porte, c'est époustouflé que je contemple l'immensité des lieux. Le soleil pointe derrière les sommets enneigés, une brume épaisse vacille entre lac et montagne, le paysage change constamment au gré des flux et finit par se dégager totalement pour m'offrir le plus beau des ateliers de montage qu'il soit donné à un mécanicien en herbe.


             

                                      

     

    Le vélo est remonté, mais le verdict est mitigé, cadre trop petit, sortie de selle trop courte, il faudra adapter dans les prochains jours.

     

                                     


    Seule, anéantie, la carcasse de rocket repose telle une épave sur le bitume. Une cérémonie en son honneur est célébrée, et nous lui offrons la plus belle des sépultures qu'aucun autre vélo n'aura jamais. Tu l'as bien mérité rocket, repose en paix en ces terres cycliste, et que les Alpes veillent sur toi.

     

               

     


    1 commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires