• calimera

     

                     


    La cinquième heure du neuvième jour retentit à travers la sirène du bateau. Avec deux heures de décalage horaire, nous nous retrouvons à Igoumenitsa après avoir été recraché par notre hôte d'acier. La Grèce s'offre à nous.

     

                     

     

    Le petit déjeuner est accompagné par notre premier lot d'incompréhension et nous offre les quelques mots que notre mémoire aura du mal à retenir. Les montagnes nous entourent, nous sommes cernés. J'appréhende les premiers tours de roue à travers un pays qui ne nous est pas encore familier.

     

        

     

    L'heure matinale en ce dimanche matin me laisse croire qu'il est normal que la route soit déserte lorsque je me lance en direction de Ionnina. A travers des paysages magnifique, la route nous offre déjà sont lot de rencontre.

     

                             

     

    Des religieux et leurs adeptes rodent aux abords des églises orthodoxes. Vêtus d'habits traditionnels, ils paradent des feuilles de laurier à la main.De nombreux bergers et leurs troupeaux jalonnent la route qui serpente et se faufile dans les massifs de la région.

     

          

     

    Les vaches ne semblent pas habituées aux couleurs bariolées des énergumènes qui tôt le dimanche s'attaquent aux pentes de leurs pâtures.

     

                     

     

    Quel contraste avec l'Italie, quelle joie de se retrouver seul sur la route.

     

                                

     

    Tranquillement j'effectue les 97kms qui me séparent du lac auprès duquel je retrouve Mathieu. Je le retrouve en lutte. Au corps à corps avec sa planche à voile il se débat énergiquement et manque de perdre un combat qui pourrait l'entraîner vers le fond. Fraternisant enfin avec sa belle, ils regagnent les bords du lac cahin-caha. C'est alors que je découvre la grandeur d'âme de mon compagnon de route. Voulant participer physiquement aux souffrances que le voyage m'inflige, son esprit de solidarité s'est manifesté en se vrillant le genou pendant la bataille. Nous voilà comme deux estropiés.

     

                                

     

    De nombreuses petites chapelles boites aux lettres se dressent le long des routes. Auprès d'une de celles ci nous passeront la nuit, amenant Mathieu à faire la connaissance d'un jeune membre du monastère voisin. Jannis professe sa fois et tente de rallier Mathieu à sa cause, voyant un grand potentiel orthodoxes au fond de nos âmes ils nous offre des livres de prière, une icône pour Mathieu et tout un lot de fruits sec et graines en tous genres, une merveille.

     

                                

     

    Le lendemain, sous un ciel vierge de tout nuage je m'élance sur les pentes de la montagne surplombant le lac. Un chien éventré me remet face aux réalités de la route, le danger reste omniprésent, même sur des axes peu fréquentés. Les ascensions de la journée sont magnifiques, les descentes vertigineuses, mais je dois refréner mon enthousiasme et ne pas me laisser griser par les sensations. De nombreuses chutes de pierres et affaissement de terrain me font frémir, je slalome parfois sur des morceaux de route pour éviter gravas et autres trous dans la chaussée. En cheminant sur les nombreux versants j'apprécie les nombreuses vue des sommets enneigés et quand l'un deux est atteint je m’étonne ; une station de ski me laisse sans voix. L'influence des idées reçues et le matraquage publicitaire ont fait leur chemin. Oui, Oui, il y a aussi des saisons en Grèce, ce n'est pas seulement le soleil, la mer et la fêta.

     

                       

     

    Les paysages changent au gré des altitudes que je franchis. De l'aridité tachetée de neige des sommets, je plonge au sein de forêts épaisses, abritant rivières et bêtes sauvages. La ressemblance avec les forêts nord américaine du Vermont est frappante, même les panneaux annonçant les ours y sont présents. Mais loin d'être des ours, la bête qui noircira mes journées n'est autre que le chien.

    Ma première frayeur s'effectue à l'approche de Greneva quand trois énormes molosses s'affranchissent de la glissière de sécurité. Surpris, je fais un écart alors qu'une camionnette me double. De la vision insensée de leur gabarit, leurs crocs frôlant mes mollets, un seul choix s'offre à moi, le sprint. De justesse j'échappe à la première charge, les suivantes seront anticipées. Me voilà averti, en plus des chiens de bergers, une multitude de chiens errants pullulent à l'intérieur du pays. De cette mésaventure je repars effrayé, tressaillant à chaque nouveau jappement. L'horreur se poursuivra quand le soir nous tomberons sur trois chiens morts, ligotés, bâillonnés, jetés en rang au bord du chemin ou nous passons la nuit.

     

                        

     

    Le lendemain je pars armé d'une barre de fer que je fais raisonner sur le sol à la moindre attaque, même les plus téméraires semble intimidés.

    Ce troisième jour marque la fin des montagnes lorsque franchissant l'ultime col la vue me donne à contempler l'ensemble des massifs d'un côté et la plaine qui s'étend de l'autre.

     

                        

     

    De là s'en suit une succession de traversée de ville far ouest, ou ville saloon. Une grosse route, une ligne bâtie de chaque côté et tout un vocabulaire ouest américain les accompagnant. Bar, pubs, poussière, absence de trottoirs, amas de ferraille, gravas, maisons éventrées, vielles voitures, tags, nous approchons de Thessalonique.

     

                

                                    

     

                        

     

     

    Après une nuit dans le port de Stravos,

     

                        

     

                        

     

    nous empruntons une route qui longe la côte jusqu'à Kavala. Et qu'elle route. Une véritable nationale que l'autoroute adjacente à laissé pour compte. Seul, avec les chiens, je peux ainsi profiter d'une voie tracée entre mer et montagne. Je m'amuse ainsi des quelques déclivités qui m'entraînent de crique en crique.

    Après kavala, le décors se terni, la plage laisse la place aux installations portuaires et autres industries qui me dessinent un après midi maussade. Le vent de face quasi journalier s'intensifie et dans la douleur, je dois serrer les dents pour continuer. Mon genou droit est loin d'en être la cause, seul mon mental se joue de mes performances. Une route qui longe la mer dans des paysages idylliques ; le mélange détonne. Mais quand le vent monte, et que des usines grisent mon horizon, c'est mon corps qui m'abandonne.

    Fatigué, au bord de l'étourdissement, je dois me ressaisir plusieurs fois. Alors que je crains la défaillance, deux cyclos en avance d'un virage se profilent. Deux beaux vélos montés de grosses sacoches, c'est un couple de Français sur la route des Indes qui m'offre une ressource d'énergie inattendue. Le seul fait d'échanger sur nos aventures respectives et les points communs du moment me redonne de la force.

     

                    

                            Aurélien et Héloïse (www.artizenvelo.org)

    Difficilement contrôlable, notre mental est une source quasi intarissable ou l'on peut venir puiser allègrement l'énergie nécessaire à l'accomplissement de travaux physiques ou intellectuels. Je poursuis ma route, transcendé par cette rencontre.

    Le soir nous nous retrouvons tous les quatre pour un joyeux repas, animé par les anecdotes et les récits de voyage, nos yeux brillants sous l'effet d'un ouzo enchanteur.

     

                         

     

    Cinquième et dernier jour en Grèce, le départ en ce premièr Avril se fait dans un fauteuil. Depuis la plage qui nous recevait à l'abri d'un sous bois, je sens pour la première fois du voyage la véritable excitation de la route.

     

                        

     

    Je trouve ma place sur ce ruban d'asphalte et je me sens chez moi. Alors que j'effectue sereinement les premiers kilomètres de la journée, slaloment entre les nuées de moustiques, se présente dans mon salon, un anglais qui sacoches au vélo lui aussi regagne ses terres depuis l'Australie.

    La route s'élève une dernière fois avant Alexandropoulis, longeant l'ancienne voie romaine, je suis propulsé vers la Turquie par un vent enfin favorable. Comme une fusée j'avale les derniers kilomètres qui m’amènent à la frontière, me payant même le luxe d'emprunter une portion d'autoroute!

    Sur 5km, essayant de respecter la vitesse limite, je jouis d'un enrobé flambant neuf, admirant en fond de scène un immense drapeau rouge, bardé du croissant islamique, j'arrive en Turquie.

     

                         

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 21 Avril 2010 à 22:52
    n'importe quoi!
    et quand je pense que de tout temps, on nous a fait croire que la "Grèce" était l'ennemie du cycliste! ;-) Ton épopée n'a rien à envier à celle d'Ulysse. Merci pour ces moments de rêve...
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