• Midi, déjà 24h que les manivelles ne tournent plus, et malgré une journée radieuse elles resteront encore inactives jusqu'au lendemain. Le point de passage initialement prévu par le col de Larche est toujours impossible, un transfert vers celui de Mongenévre est alors envisagé.

    Direction Gap, la route nous sort le grand jeu en nous offrant son plus bel asphalte. Serpentant entre les sommets nous progressons rapidement et c'est le cœur gros que le col est franchi. Frustration ultime, en plus d'un parcours modifié, d'un défi tronqué, le soleil qui nous faisait défaut jusqu'àlors resplendit maintenant me faisant trépigner d'impatiente.

    Le cycliste enrage, col, soleil et route de rêve, vélo à portée de pied, je fulmine. La raison l'emporte, le chemin jusqu'en Turquie est encore long.

    La frontière atteinte, une longue descente nous emmène à Penerello rapidement. Les premiers échanges avec les Italiens sont chaleureux, la langue chantante est facile à comprendre, s'exprimer reste plus difficile. Pour la première fois du voyage nous devons parler avec les mains, les Italiens ne nous en voudront pas...

     

                                   

     

    Le cinquième jour est gris, et l'eau est de bon augure en ce jour de baptême pour le nouveau vélo, souhaitons la bienvenue à « planète x »

    Pour ma part, tout est à refaire; le rythme brisé et la brume persistante n'arrangent en rien la mine maussade avec laquelle je quitte le camion.

    Au programme 227 km d'une Italie que je découvre, et qu'elle n'est pas ma déception! D'entrée c'est 100km de plat, des paysages agricoles monotones des champs, des champs, des champs. Produit d'un épandage intensif, l'air ambiant est saturé d’odeurs nauséabondes. Les villes sont sales et me paraissent laides. Les Italiens n'honorent pas leurs ancêtres qui leurs ont légué des merveilles. Les entourant de quartiers hideux et sans intérêt, le contraste est saisissant. Les joyaux de Parme ou de Bologne sont bien à l'abri derrière la mine triste et froide que leur font arborer leurs nouveaux quartiers.

     

     

             

     


    Du côté de la route, j'ai du mal à m'adapter à la nouvelle hiérarchie. Le réseau secondaire et beaucoup moins dense qu'en France. Doté d'une carte incohérente, je passe un temps précieux à chaque tentative sur les axes moins fréquentés et me résoud à prendre les principaux!

    La route devient alors une succession de situation dangereuse, le trafic est dense, les poids lourds omniprésent. Des échangeurs, des tunnels, des rampes d'accès de calibre autoroutiers accueillent les cyclistes qui paradoxalement ne manquent pas.

     

          

                  


    227, 240, 205km, les journées se succèdent et m'entraine de désillusion en désillusion. A la rencontre des autochtones, Mathieu se régale de la splendeur offerte par la renaissance alors que je tente de préserver un moral en chute libre.

     

           


                     

     

                     

     

    La terre reste ma principale alliée, elle s'ouvre parfois pour m'offrir des vallons, des collines qui  égayent une monotonie cassante. Le vent de face, la pluie et les lignes droites sont mon quotidien, rien ne m'importe plus qu'une route qui s'incline m'offrant sont lot de virages. Une véritable distraction de l'esprit. L'arrivée de la première étape m'offre ce réconfort, le final se complexifie en une succession de petits vallons et me permet d'en finir avec les 50km d'une journée éprouvante. Les lignes de crête me redonnent le sourire, et malgré un début de tendinite dû à la mauvaise position, c'est avec le sourire que j'atteind Aguzatto. Le camion est sur la place, les enfants y crient joyeusement, je peux m'y détendre sereinement.

     

                    

     

    Le soir est rituellement composé d'une bonne douche froide à l'arrière du camion, d'échanges et d'anecdotes entre pilote de 508 et  cycliste. Le nid douillet de l'habitacle est source d'énergie. Quand les batteries sont rechargées, je dois de nouveau aller affronter la circulation, et les lignes horizontales de la campagne Italienne.

     

                                


    Le deuxième jour est gris, tout est gris.... Le genou droit commence à me faire sérieusement souffrir et je dois impérativement trouver un tube de selle plus long. Les magasins ne manquent pas et c'est avec une position beaucoup plus confortable que j'engloutis les 240km au programme. Malheureusement le mal est fait et l'état de mon genou m'inquiète.


                  


    Les 30cm de bitume entre le fossé et la bande blanche sont mon espace vital. La crevaison guette en ces lieux inhospitaliers. Étrangement, je m'adapte à ce lieu exigu, au bruit constant imposé par le trafic, et m'amuse même du souffle favorable que m’offre les poids lourds me dépassant. Je les guette d'un œil attentif et adapte mes pignons à chaque occasion, sans effort ma vitesse grimpe en flèche, et je trompe l'espace d'un instant le vent qui souffle contre moi.

     

                   


    Malgré tout, il n'y a pas un grand intérêt à rouler sur de telle route, mais, les kilomètres tombent, en attendant mieux.

    Après une deuxième étape à Merciati, la troisième nous emmènera à Ancone, avec là aussi, son lot d'horreur architecturale et la monotonie des paysages qui persiste.


                   


    La motivation est au plus bas, et mon genou me fait souffrir. Le vent souffle contre moi et plus grand chose ne me fait sourire .Quand apparaissent des pins annonçant l'arrivée imminente de la cote Adriatique, je souffle, enfin.

    L'atteignant à Cervia, le changement de décors me distrait un peu, mettant fin à la plaine, la côte s'offre à moi. Mais là encore, désillusion.

    Une forêt de pins bienvenue me coupe du vent qui cingle sur la plage. En sens interdit, j'échappe aux faubourgs de la ville pour en rejoindre une autre. De cela, va s'en suivre un étalage de béton sur plus de 30km d'une côte ravagée par des constructions rivalisant d'horreur et de mauvais goût. Rimini en sera l'apogée.

     

                                 


    Frugalement je prends mon repas de midi dans le froid, le dessert à même le sol. Une brume épaisse s'est installée sur cette énorme station balnéaire désertée. La vision de ces monuments de béton fantomatiques est apocalyptique.  Le front de mer est interminable.

    Un cyclo bulgare me rassure sur la route à venir, car le calibre annoncé sur la carte n'amène pas forcement le cycliste à s'y rendre sereinement.

     

                    


    Sortant finalement de la folie immobilière, j'emprunte les premières encablures de cette grande langue de goudron qui s'étire jusqu'au sud de l'Italie. Le soleil sort de l'ombre, le vent tombe, la circulation est normale, et la température monte. Les dieux sont avec moi, une belle pente se profile...

    Une fois franchie, le moral est de nouveau bon, comme un avion j'atteind Pessano, puis Ancone. Entre mer et falaise, il y a le chemin de fer, la route, des usines et moi. Le décor est encore une fois défiguré, et cela s'aggrave à l'approche d'Ancone. Les installations pétrochimiques se succèdent, et la circulation redevient dense.

                                

    Marre des routes de gros calibre, marre du trafic incessant, marre d'une Italie brutale et peu clémente. La plage où nous trouvons refuge auprès d'un couple fort sympathique n'y fera rien, le trajet a été modifié une première fois, changeons en encore et voguons loin d'ici. En retard par rapport au plan initial, c'est sans scrupule que nous prendrons le bateau à Ancone, destination la Grèce.

     

                   

     


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