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    Malgré le stress qui m'accompagnait la veille du départ, c'est joyeux et serein que j'endosse mon rôle de cycliste voyageur pour la première étape. L'air de rien j'entreprends les premiers tours de roue qui m'emmènent jusqu'au Capitole pour symboliser un départ m'entraînant sur la route d'Istanbul.

    Accompagné par Sylvain(ami cycliste), c'est tranquillement que nous progressons le long du canal du midi en dépit du vent d'autan qui ne semble pas vouloir me laisser quitter la région.

     

     

             



     Une fois lancé en solitaire, l'atmosphère s'assombrit, et le vent qui me gifle me replace face à un projet qui est encore à l'état de balbutiement. Le ciel est bas, les villages traversés m'apparaissent inhospitalier et ma pénible progression dans les contreforts de la montagne noire n'aide pas à rendre l'ambiance générale plus clémente. Tous me semble sombre, je suis quasiment à l'arrêt dans les premières difficultés et dois contrôler si mes freins ne s'amusent pas à frotter contre mes jantes. Tentant de me ressaisir constamment, je parviens malgré tout au point de rendez vous salvateur de la mi-journée. Dans l'atmosphère chaleureuse du camion, je refais le plein de bonne volonté auprés de Mathieu qui connait lui aussi quelques difficultés à progresser sur des routes qui ne sont pas adaptées au gabarit du camion.

     

             

     

     

    Comme par magie, mon environnement se transforme en une joyeuse succession de paysages accueillants. Les ruines des châteaux cathares jalonnent déjà le parcours et je ne peux que contempler l'évolution des éléments qui m'entourent. Pour preuve de notre progression, la nature se met en branle et change de forme, comme prévu les subtilités sont difficiles à cerner mais il n'en reste pas moins qu'après 200 km le paysage n'a plus rien à voir avec le midi Toulousain.

     

     

            

     


    Je retrouve mon acolyte à Pouzolles, entouré par des boulistes à l'accent pagnonlesque, se mêlant à la convivialité générale et goûtant au plaisir d'une petite communauté qui semble avoir gardé un véritable esprit de village. Après cette première étape, je réalise combien le chemin qui reste à parcourir est long, mais l'euphorie du voyage et ses imprévus renforcent ma motivation à en découdre.

     

     

                

     

     


    Un ciel menaçant, une route humide, un vent toujours défavorable ne m'engagent guère à repartir le cœur et l'âme légère. Pourtant, après un premier tronçon monotone un radical changement va venir égailler les prochains kilomètres. Je traverse St jean de Fosse et plonge subitement dans les gorges de l'Hérault. L'eau verte émeraude parsemée de petites cascades s'est creusée un lit accueillant dans un univers reposant. De surcroit la route est désertée par les voitures ce qui rajoute du charme à une petite session de pédalage remotivante. Plutôt pas mal pour le moral. Comme pour se dégager des gorges, la route quitte brusquement les berges de l'Hérault  s'élevant et se contorsionnant sur plusieurs kilomètres. La suite de la journée ne sera qu'une succession de petites difficultés à franchir, et mon corps s'identifiant au paysage connait des moments de forme comme des passages à vide. Des hauts, des bas.

     

     

                

     


    Après une étape à Vaison la Romaine, les Alpes se dressent devant nous. La pluie est au menu ce matin, et c'est en silence que je me prépare pour un départ humide. Dès les premiers mètres elle s'abat et me cingle le visage encore endormi. Après seulement dix kilomètres une première difficulté m'emmène au pied du Mont Ventoux. Un claquement dans le boitier de pédalier m'inquiète durant l'ascension mais c'est mon état de fatigue général qui accapare toute mon attention. La montagne me tient en respect, même sur les portions planes je peine à avancer. Le silence règne dans la vallée, deux cols sont imminents et les sommets enneigés ne sont pas rassurants. Petit mouvement de danseuse, CRACK, je baisse la tête et surprise de la matinée ce n'était pas le pédalier mais le cadre qui, effrayé par les Alpes, a préféré rendre l'âme avant même le premier col. Le tube vertical relié au boitier est sectionné.

     

     

                

     


    Hébété je roule pendant plusieurs kilomètres ne sachant que faire.....

     

     

                                      

     

     

    Allo, Allo, Camion balai, RDV à Sisteron, 60 Km, deux cols, un cadre cassé....

    La solution viendra plus tard, les lacets du premier col se dessinent déjà. Me balançant de gauche à droite, sous l'impulsion d'un mouvement cadencé je m'affranchis des dix km d'un sommet culminant à 1068 m. La neige m'attend au sommet, la concentration que cet effort nécessite supplante les problèmes liés à la machine. La descente se veut prudente ne sachant pas si le vélo tiendra la route.

     

     

                

     

     

    Ralliant la ville, je rejoins le camion désemparé, la fête est finie et le périple bien compromis.

     

                                         

     


    Je réfléchis aux options possibles, et avec les conseils d'un vélociste local, un coup de fil est passé à un chaudronnier qui semble pouvoir nous rendre service, la soudure est peut être possible. Dans l'atelier du magasin, me voilà parti à faire place nette sur le vélo, pour qu'il puisse passer sur la table d'opération.

     

     

             



    Le camion nous emmène dans un état de stress élevé, l'ambiance est tendue, rocket ( le vélo), est entre la vie est la mort, le voyage est peut être en train de tourner court pour un membre de l'équipe.

    Le diagnostic est sévère, il faut une brasure, la soudure ne tiendra pas, personne ne peut le faire dans les environs.

     

     

                

     


    De retour dans l'atelier pour récupérer mes pièces, la magie du voyage s'opère de façon inattendue. Il y a toujours quelqu'un sur le chemin pour nous guider et nous épauler dans notre quête. De façon fortuite, ces êtres mystérieux se disséminent le long du chemin pour apparaître aux moments les plus opportuns. Chance, destin ou hasard, chacun l'interprète comme il le voudra, mais quoi qu'il en soit, ces inconditionnels sauveteurs d'âme en peine existent bel et bien.

    C'est sous l'apparence d'un client cette fois, que la prophétie se réalise, et la clef pour continuer le voyage nous est ainsi offerte.

    Il a un kit-cadre qui dort dans le fond de l'atelier et s'en débarrasse, 20 euros et c'est dans la poche.

     

     

                 

     


    Dans la précipitation je vérifie que mes pièces sont compatibles, sa colle, génial....

    On finit l'étape du jour en camion en se dirigeant vers Barcelonette, déjà je sens l'amertume monter, le défi est tronqué, mais que faire, le timing est serré.

    Alors que nous arrivons près du lac de Serre-Ponçon, je me renseigne sur les conditions de route, deuxième tuile de la journée, avalanche en Italie, le col de l'arche est fermé, l'itinéraire de demain est déjà compromis.

    J'ai l'impression que le projet nous échappe alors que l'on en est à peine au troisième jour. La situation est critique.

    On trouve quand même refuge au bord du lac. L'endroit est idyllique, la vue imprenable, le temps abominable. Le moteur est coupé, une bouteille de vin est débouchée, inch'alla, demain est un autre jour.

     

          


    A l'aube, l'ambiance est calme, une lumière vive pénètre dans le camion, et ouvrant la porte, c'est époustouflé que je contemple l'immensité des lieux. Le soleil pointe derrière les sommets enneigés, une brume épaisse vacille entre lac et montagne, le paysage change constamment au gré des flux et finit par se dégager totalement pour m'offrir le plus beau des ateliers de montage qu'il soit donné à un mécanicien en herbe.


             

                                      

     

    Le vélo est remonté, mais le verdict est mitigé, cadre trop petit, sortie de selle trop courte, il faudra adapter dans les prochains jours.

     

                                     


    Seule, anéantie, la carcasse de rocket repose telle une épave sur le bitume. Une cérémonie en son honneur est célébrée, et nous lui offrons la plus belle des sépultures qu'aucun autre vélo n'aura jamais. Tu l'as bien mérité rocket, repose en paix en ces terres cycliste, et que les Alpes veillent sur toi.

     

               

     


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